Interview de Jean-Yves Sénant – Maire d’Antony

"La maquette numérique urbaine permet d’imaginer et d’anticiper"

Qu’est-ce qui a motivé la ville d’Antony à engager une démarche de maquette numérique urbaine ?

À l’image de nombreuses villes de la région Ile-de-France, Antony poursuit son développement, plusieurs projets d’aménagement sont actuellement en cours ou en projet. L’ambition politique pour un territoire est une chose, mais elle doit pouvoir être intelligible pour ses habitants. Notre volonté d’exprimer clairement ces projets de territoire auprès de la population, nous a conduit à développer un nouvel outil de communication. Un outil évolutif qui puisse à la fois être géré par nos services, mais aussi nous accompagner dans la prise de décisions.

Pouvez-vous nous expliquer comment la commune a mis en œuvre sa maquette numérique ?

La maquette numérique de la ville a été développée en 2017 par la société Bionatics à partir des données numériques qui coexistent sur notre territoire comme les données issues des services techniques de la ville, de l’IGN, du Conseil Départemental 92 ou de l’Open Data. Grâce à la mise en œuvre des technologies et du savoir-faire de Bionatics, nous avons pu disposer très rapidement d’une modélisation complète du territoire en 3 dimensions que nous avons ensuite enrichie progressivement au périmètre des quartiers dans lesquels nous avions des projets d’aménagement afin d’augmenter sa précision et son réalisme. Une démarche que nous poursuivons aujourd’hui puisque nous avions fait, dès le départ, le choix d’une approche qui soit graduelle pour limiter les coûts et qui soit aussi pérenne pour nous permettre de consolider nos investissements sur la durée.

Enfin, pour faciliter sa mise en œuvre dans les services techniques et répondre à nos besoins quotidiens, nous avons aussi fait le choix de devenir autonome en faisant l’acquisition d’une licence du logiciel LandSim3D Editor et en formant un agent compétent sur le logiciel dans la Direction du Développement Urbain et de l’Urbanisme. Les équipes de Bionatics restent à nos côtés pour assurer les tâches de maintenance ou de mise à jour les plus complexes de notre maquette.

Quels sont les bénéfices de cette maquette numérique dans la conception d’un nouveau quartier comme Jean Zay et dans le cadre des concours lancés par la ville ?

Grâce à cet outil, nous avons pu modéliser et intégrer les propositions des promoteurs (logements étudiants et accession) pour le futur quartier Jean Zay, ainsi que les équipements et espaces publics dont bénéficieront ses habitants. La puissance de cette maquette numérique est intéressante, car elle permet aux équipes techniques qui travaillent sur le projet d’assurer une cohérence et une continuité urbaine malgré la mutation de ce quartier historique, véritable trait d’union entre le centre-ville d’Antony et le magnifique Parc de Sceaux.

Pour nos services, et notamment au moment lors de la phase de concours de maitre d’œuvre, l’outil a été utilisé par notre jury. L’intégration dans la maquette numérique des 4 projets pressentis a permis de se rendre compte des volumes de chaque proposition. Les perspectives créées pour le projet permettent des projections multiples et variées (échelle piétonne, vue aérienne sous différents angles, « ballades » dans le futur quartier) et son accroche avec l’environnement urbain existant.

La ville d’Antony utilise également la maquette numérique pour piloter le développement du futur quartier Antonypole, pouvez-vous nous expliquer quels en sont les bénéfices pour la collectivité sur ce projet ?

Antonypole est effectivement un très grand projet pour notre ville. Bien qu’il en soit encore au stade des études de faisabilité ; il s’agit d’imaginer un quartier à usage mixte (habitats, équipements publics, activités commerciales et tertiaires) de près de 60 hectares, avec l’implantation d’une gare de Métro du Grand Paris Express. La maquette numérique peut permettre déjà d’imaginer et d’intégrer des volumétries des futurs bâtiments, de créer différents scénarios de flux, d’anticiper des problématiques d’usage que les plans, seuls, ne peuvent révéler.

La maquette numérique urbaine s’affirme comme une composante importante de la Smart City, puisqu’elle permet de modéliser la ville en intégrant un large panel de données sur son fonctionnement. Quel rôle la Smart City va-t-elle jouer demain selon vous dans les gestions des collectivités ? Quels bénéfices y voyez-vous, pour les collectivités, comme pour les citoyens ?

Si l’on considère que la smart city est un concept visant à se doter d’outils d’information et de communication pour améliorer la qualité de service urbain ou réduire leurs coûts, en un mot rendre l’action publique plus efficiente, alors oui la maquette numérique est l’outil indispensable dont devront se doter tous les acteurs publics.

Un outil d’aide à la décision aussi performant qui évolue en temps réel grâce aux données que vous avez-vous-même choisi d’intégrer, c’est formidable ! J’y vois déjà une meilleure compréhension des projets, entre promoteurs, aménageurs et collectivités. Ce gain de temps considérable se traduit également par des économies d’échelle non-négligeables, d’autant plus dans ces temps contraints budgétairement.

Cela permet aussi pour les décisionnaires de partager une vision programmative des aménagements urbains avec les habitants, chacun peut comprendre ainsi en fonction des évolutions des données recueillies, les nécessaires adaptations des projets envisagés. Deux exemples concrets me viennent à l’esprit : le réchauffement climatique, sujet dont nous nous sommes saisi dès la conception du nouveau quartier Jean Zay et notre volonté d’offrir des espaces de pleine terre et piétons pour ses futurs habitants. Pour Antonypole, le développement du télétravail suite à la pandémie va nécessairement modifier les modes de vie des habitants : circulation pendulaire, consommation… Notre action politique est d’autant plus efficace : notre intuition de ce que seront les futurs besoins des populations se nourrit désormais d’un outil numérique qui mesure factuellement en temps réel les évolutions sociétales. Et là, nous sommes dans la véritable ville intelligente : celle qui se dote d’outils technologiques qui permettent de conduire des politiques publiques au service des habitants, dans des coûts maîtrisés.